L'art du sampling : des origines à nos jours

En musique, le sampling est une affaire de métamorphose. Un extrait vocal pourra être isolé et transformé de telle manière qu'on finit par entendre une ligne de basse, un grincement de porte ou un robinet qui goutte peut devenir l'élément accrocheur qui rendra un titre inoubliable…

Découvrez l'histoire, les considérations légales et les implications créatives du sampling dans l'industrie musicale du XXIe siècle.

C'est quoi un sample ?

Un sample est un fragment audio, qui peut aller d'une simple note à extrait de plusieurs dizaines de secondes, retravaillé pour devenir un nouvel élément sonore, intégré dans un morceau de musique.

Trois grandes étapes le constituent :

• Enregistrement : extraction d'un son ou d'un passage musical
• Traitement : modification de la hauteur du son, de sa durée, utilisation de filtres, ajout d'autres éléments sonores ou d'effets comme la reverb ou le delay.
• Intégration : ajustement du volume et des autres réglages pour incorporer naturellement ce nouveau son à un titre.

Le sampling est de nos jours une technique très répandue car elle permet d'ajouter du caractère et de la profondeur en production.

Enjeux créatifs et juridiques

Le sampling est à la croisée de l'innovation artistique et du droit de la propriété intellectuelle, ce qui en fait un terrain de jeu formidable doublé d'un champ de mines !

Pour le dire vite, sampler de la musique est totalement légal à partir du moment où la permission des ayants-droits a été "clearée", c'est-à-dire obtenue légalement. Une pratique qui a été codifiée et formalisée suite à plusieurs affaires au tournant des années 1990.

En 1989, De La Soul ont été assignés en justice par le groupe The Turtles pour avoir utilisé un sample sans autorisation avant de trouver un accord à l'amiable.

En 1991, le cas de Gilbert O'Sullivan contre Biz Markie allait changer la donne et crééer un précédent dans les affaires de samples non clearés. En effet, à l'issue du procès dont il sort victorieux, O'Sullivan exige la destruction de tous les disques contenant le sample et fait retirer le titre concerné de toutes les éditions et rééditions, au lieu de réclamer des royalties.

Un des critères retenus par les tribunaux dans les affaires de sampling est le caractère reconnaissable, ou non, de la source audio. Saisie en 2019 dans l'affaire qui oppose le groupe Kraftwerk à un producteur de hip hop, la Cour de justice de l'Union européenne a estimé que le sample d'une boucle rythmique était trop modifié pour être reconnaissable. La cour a établi qu'il n'était donc pas nécessaire d'obtenir l'autorisation lorsqu'il est impossible d'identifier le morceau d'origine.

De nos jours, pour protéger leurs œuvres, les artistes et les labels utilisent des algorithmes qui détectent les samples dans les nouveaux titres publiés tous les jours sur YouTube ou Spotify. Cela rend l'utilisation de samples non clearés excessivement risquée !

Les titres de librairie musicale sont pré-clearés

L'industrie musicale a compris qu'il existait un marché du sample, un segment d'activité qui intéresse autant les artistes que les labels. De nombreuses librairies musicales prévoient désormais l'autorisation préalable (ou pré-clearance) pour faciliter l'utilisation de samples. C'est le cas des titres du catalogue Universal Production Music.

Cela offre plus de fluidité que le processus de recherche d'ayants-droits qui peut être très fastidieux et sans garantie de résultat.

Lorsqu'il faut en passer par une clearance traditionnelle, les sociétés de gestion collective (SACEM/SDRM en France) peuvent fournir des informations afin de remonter jusqu'aux ayants-droits des oeuvres et des enregistrements.

Il existe également des bases de samples et des fournisseurs en ligne pour les producteurs à la recherche de samples pré-clearés. La limite de ces ressources est qu'un même sample peut se retrouver dans plusieurs productions différentes. Quel que soit le traitement appliqué au fichier audio, il reste toujours le risque que le titre final ne soit pas aussi original qu'escompté. Trouver un sample qui n'a pas été utilisé ailleurs reste possible, au prix de longues recherches et à l'aide d'une oreille affutée.

Petite histoire du sampling

Le sampling remonte aux années 1940 lorsque Pierre Schaeffer et d'autres compositeurs français ont commencé à faire des collages sonores à partir de bandes magnétiques, les prémices de ce qui deviendra par la suite la musique concrète.

Dans les années 1960, le Mellotron rend accessible la technique du sampling, avec son clavier qui joue des boucles préenregistrées sur bande.

En 1979 sort le Fairlight CMI, le premier échantillonneur numérique, suivi par d'autres tels que l'E-Mu Emulator, sans oublier le légendaire Akai MPC en 1988. Ces appareils ont permis à toute une génération de producteurs de se familiariser avec le sampling.

Au cours des années 1980, le sampling devient incontournable dans la production hip hop. A partir des années 1990, les solutions de MAO révolutionnent le process en permettant plus de créativité et en offrant plus de contrôle aux producteurs.

De nos jours, les musiciens ont accès d'énormes bibliothèques de samples intégrées dans les logiciels comme Ableton Live, FL studio et Logic Pro.

Témoignages de producteurs

Interviewée par le média Playful, la DJ et productrice installée à Berlin Canva déclare : "Avec le sampling, on peut créer de la musique totalement nouvelle, avec sa propre signification, ses émotions, ses mouvements. Je trouve le sampling vraiment cool, et c'est peut-être plus créatif que d'autres techniques."

Lorsqu'elle utilise un sample, "ce n'est jamais l'élément principal. C'est important de m'assurer que ce n'est pas au centre de ma création, je l'utilise quand quelque chose est manquant et qu'il me faut un truc en plus. Dans ce cas, j'adapte les samples à mon son pour ne pas dénaturer le titre d'origine."

Le DJ et producteur australien Trakno détaille aussi sa vision du sampling, qui doit aller de pair avec son exigence d'authenticité : "Si vous voulez utiliser des samples, essayez de contribuer avec quelque chose de nouveau. Ça doit venir de vous. Allez dans un magasin de disques, écoutez 1000 albums et trouvez ce qui résonne avec vous. Il ne faut pas sampler de la musique juste parce qu'elle est en ligne ou à la mode. Le sampling doit apporter quelque chose d'authentique à la musique quand vous l'écoutez."

Il ajoute : "Si vous voulez utiliser un sample tel quel, c'est tout à fait possible. Mais essayez de voir ce que vous pouvez en faire, déconstruisez le fichier, jouez-le à l'envers ou ajoutez-y un twist unique qui le rendra plus original et vraiment personnel."

"Je ne fais pas tant de sampling que ça dans ma musique. Pour moi, la techno, c'est trouver de nouveaux sons, et pas forcément recycler les vieux sons. Mais je n'y suis pas opposé. Certains personnes arrivent à rendre les samples méconnaissables et à rester créatifs."

Interrogée par Music Radar, la productrice, autrice et compostitrice Elsa Hewitt a un point de vue intéressant sur le sampling : "Remixer mes propres titres a été une étape naturelle dans ma façon de faire de la musique. Je m'y suis mise parce que je voulais couper dans le gras de certaines chansons et produire des beats, et mes compositions se sont révélées être une très bonne matière première."

"J'adore écouter une improvisation ou un enregistrement de terrain et en extraire des rythmiques. Je cherche un passage qui accroche, un rythme naturel ou un rendu organique pour que ça devienne un élément-clef du titre."

Pour aller plus loin

Le sampling est un outil puissant qui peut transformer le son d'une prod faite dans sa chambre comme celui d'un tube mondial. Cela permet aux musiciens et aux producteurs d'ajouter de la texture et des éléments variés, afin de créer une proposition inédite.

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